Au
temps où Lambert était évêque d'Arras,
vers l' an 1105, les habitants de cette ville et de toute la province
environnante furent frappés d' un mal terrible qu' on appelait
"le feu infernal" (sorte de gangrène sèche
due à l' absorption d' ergot de seigle), car il brûlait
ceux qui en étaient atteints sur toutes les parties du corps.
Or,
il y avait en ce temps-là deux jongleurs, l' un nommé
Itier, vivait dans le Brabant, l' autre, Norman, dans le Château
de Saint-Pol. Ils se vouaient une haine mortelle, car le frère
du premier avait été tué par le second.
Une
nuit, ils firent tous deux le même songe : une femme vêtue
de blanc, la Vierge Marie, leur apparut et leur dit de se rendre
en la cathédrale d'Arras. Norman, venant de moins loin, y
fut le premier. Il vit tous les malades qui se réfugiaient
là, puis il alla raconter à l' évêque
le songe qu' il avait eu, mais Lambert crut qu' il voulait se moquer
de lui et le renvoya. Itier arriva le lendemain et alla trouver
l' évêque lui aussi. Quand ce dernier lui dit que Norman
était venu lui conter le même songe, Itier demanda
où il se trouvait, car il voulait le tuer sur le champ pour
venger son frère. Lambert comprit alors que Marie lui avait
envoyé ces deux hommes pour qu' il les réconcilie.
Il parla donc à chacun séparément, puis il
les mit en présence l' un de l' autre, leur demanda de se
donner le baiser de la paix et de passer la nuit en en prière
dans la cathédrale.
Au
premier chant du coq, Marie leur apparut et leur donna un cierge
allumé, leur demandant de faire couler la cire de ce cierge
dans de l' eau, puis de la donner à boire aux malades et
d' en verser sur leurs plaies. Tous ceux qui crurent furent guéris.
Tout
ceci pour nous montrer comment la réconciliation et la prière
peuvent opérer de grands miracles, tels que guérir
des maladies ou arrêter des fléaux naturels ou des
guerres.
A la suite du miracle, une confrérie des jongleurs de Notre-Dame
des Ardents s' organise à Arras et des gouttes de la chandelle
miraculeuse sont distribuées et conservées dans des
"custodes" (reliquaires en argent, en forme de cierge),
véritables "joyaux" ; c' est pourquoi Notre-Dame
des Ardents est aussi surnommée Notre-Dame du Joyel.
Le
Ternois possède 3 de ces custodes, à Saint-Pol, à
Moncheaux et à Oeuf.
Le
mal des Ardents
Ce
feu sacré a déferlé en Europe à
partir du Xème siècle, semant la terreur parmi les
populations, connu également sous le nom d'Ignis sacer,
la peste de feu, le feu infernal, le feu de Saint Antoine, le mal
des ardents (arder: brûler).
L'ergot
du seigle:
Le
responsable de ce mal, l'ergot du seigle, est un petit champignon
parasite des graminées; le grain parasité est hypertrophié
et recourbé en ergot, d'où son nom. Les paysans ne
se méfiaient pas de ce seigle parasité, il s'agissait
pour eux d'une variété nommée le seigle cornu.
Cet ergot contient de nombreux alcaloïdes dont les effets toxiques
vont expliquer les diverses formes de la maladie. Certains malades
verront leurs membres se gangrener (circulation du sang bloquée),
devenir noirs et secs, comme brûlés par le feu, d'autres
souffrent de crises de contractures impossibles à contrôler,
les membres révulsés, ils crient, rongés par
le feu intérieur.
Le malade succombe dans les premiers jours à une intoxication
majeure, par contre, la guérison peut être très
rapide s'il cesse de manger du pain infecté. |